Aujourd’hui, nous sommes unanimes pour dire que nos comportements, en tant qu’adultes, vont avoir une influence sur le comportement des jeunes enfants. En effet, ces derniers vont, dès le plus jeune âge, intégrer les codes sociaux à travers leurs expériences, leurs observations…Voilà pourquoi nous avons un rôle si important à jouer, en tant que professionnels petite enfance, pour contribuer notamment à lutter contre les stéréotypes de genre. Malgré une avancée sociale, le chemin pour modifier ces représentations stéréotypées et oeuvrer pour l’égalité entre les filles et les garçons reste encore long et nécessite une prise de conscience de chacun car cela peut se jouer dès la plus tendre enfance !
- PRÔNER L’ÉGALITÉ ENTRE LES FILLES ET LES GARÇONS DÈS LA PETITE ENFANCE
Favoriser l’égalité entre les sexes fait partie aujourd’hui d’une réelle volonté politique affirmée, et cela commence d’ailleurs dès la petite enfance.
—> Tous les outils de communication, visant à promouvoir ces jouets, devront répondre à certains critères : l’image véhiculée devra, à chaque fois, être exempt de stéréotypes de genre. Par exemple, depuis peu, on peut voir apparaître, dans les catalogues de jouets, des filles jouant au bricolage ou des garçons jouant à la poupée : cela va alors en ce sens et contribue à lutter contre les stéréotypes de genre.
Les professionnels petite enfance sont également pleinement impliqués en vue d’oeuvrer pour l’égalité entre les filles et les garçons. En effet, l’arrêté du 23 septembre 2021 créé une Charte nationale d’accueil du jeune enfant. Celle-ci établit les dix principes applicables à l’accueil du jeune enfant qui lui permet alors de « grandir en toute confiance ». L’un de ces principes évoque alors justement tout l’enjeu, dès la prime enfance, de lutter contre les stéréotypes de genre.
Il est ainsi noté, au sein de cette Charte : « Fille ou garçon, j’ai besoin que l’on me valorise pour mes qualités personnelles, en dehors de tout stéréotype. Il en va de même pour les professionnel.le.s qui m’accompagnent. C’est aussi grâce à ces femmes et ces hommes que je construis mon identité. »
Les établissements et services d’accueil de jeunes enfants doivent désormais expliciter, dans leur projet d’établissement, comment chaque principe de la Charte se décline et est mis en oeuvre, en pratique et au quotidien, auprès des jeunes enfants. Cela implique alors que le sujet des stéréotypes de genre soit abordé en équipe et qu’une réflexion soit portée autour des pratiques professionnelles à adopter pour favoriser l’égalité entre les filles et les garçons.
En confortant les stéréotypes de genre dès la petite enfance, le risque est aussi de limiter la créativité des jeunes enfants, de bloquer leur imagination et leur spontanéité.
Cette thématique est donc, aujourd’hui, devenue un axe prioritaire dans la petite enfance et nous comprenons bien tout son intérêt et toute son importance !
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REPENSER SES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
La société a évolué sur le sujet des stéréotypes de genre et les pratiques professionnelles aussi : le temps du « bleu pour les garçons » et du « rose pour les filles » est aujourd’hui moins prégnant qu’il ne l’était à une époque. Cependant, il n’en reste pas moins qu’il persiste, encore aujourd’hui, et souvent de manière inconsciente, certains stéréotypes.
Des observations menées en crèche montrent que, dans certains domaines, les garçons et les filles ne sont pas toujours traités à la même enseigne. Cela a, par exemple, pu être relevé dans le cadre des soins, dans la gestion des émotions ou encore dans les propositions de jeux et activités…
Des expériences ont d’ailleurs été réalisées pour mettre en avant ces stéréotypes de genres. Ainsi, face aux pleurs d’un bébé, les adultes interpréteraient plus souvent ces derniers par de la « peur » pour une petite fille, alors que, pour les garçons, ils seraient plus souvent interprétés comme de la « colère ».
Toujours dans le même état d’esprit, cela peut se voir dans notre manière de nous adresser aux enfants : il nous ait tous déjà arrivé d’entendre un adulte dire à un enfant qui pleure : « tu es un garçon, et un garçon, ça ne pleure pas ! » ou encore « tu bricoles comme papa » au lieu de plutôt choisir de dire « tu bricoles comme les grands ». Cette image du garçon « fort », très « moteur » contraste souvent avec l’image d’une petite fille que l’on voit plus « douce », « calme », « soignée »… C’est contre ces stéréotypes de genre que nous devons donc lutter !
Les enfants vont vite remarquer si on les considère différents selon leur sexe. Or, le risque, c’est qu’ils intériorisent très tôt les stéréotypes de genre et les rôles sociaux différenciés selon que l’on soit un garçon ou une fille. Cela aura donc des conséquences sur leur construction et tendra donc, par la suite, à reproduire un schéma inégalitaire entre les hommes et les femmes.
Or, les neurosciences montrent, qu’à la naissance, filles et garçons ont le même potentiel : c’est l’environnement social de l’enfant qui va alors avoir un impact considérable sur la construction de son cerveau !
À nous alors, en tant qu’adulte et en tant que professionnel petite enfance, de rester vigilant à ne pas transmettre de manière précoce des stéréotypes liés au sexe de l’enfant, qui induiraient alors des comportements différents à adopter. Nous devons, par exemple, continuer d’encourager les enfants, peu importe leur sexe, à aller vers les activités et jeux qui suscitent leur intérêt, sans jamais les freiner : un petit garçon pourra ainsi très bien décider de jouer aux poupées, sans susciter la surprise des adultes !
Notre manière d’aménager l’espace pour les enfants peut aussi participer à lutter contre les stéréotypes de genre. Il arrive régulièrement que certains coins soient souvent associés : le coin « poupée » combiné avec le coin « dinette » par exemple. Cela peut alors participer à renforcer le clivage avec, d’un côté les jeux « filles », et de l’autre les jeux « garçons » (avec le coin « bricolage » et « garage »).
Il serait alors préférable de concevoir des espaces plus ouverts, permettant à chacun de vaquer d’un espace à l’autre et ainsi d’ouvrir le champ des possibles. En effet, si les coins ne sont pas cloisonnés, cela encouragera d’autant plus la combinaison de plusieurs jeux et donc leurs mixités.
Dans cette démarche de lutter contre les stéréotypes de genre, certaines équipes décident d’ailleurs de repenser le nom donné aux espaces : on préférera, par exemple, parler du coin « restaurant » plutôt que du coin « dinette ».
Enfin, il est important de rappeler que l’environnement « petite enfance » est souvent très féminin et que la mixité des personnels dans l’accueil, l’éducation et le soin des enfants devrait également être encouragé (recrutement, formation…), dans la mesure du possible, car elle offrirait aux enfants « des modèles et des relations socialement plus riches dans un monde constitué d’hommes et de femmes ».
La petite enfance va être un formidable levier pour promouvoir une société plus égalitaire entre les hommes et les femmes, permettant ainsi de casser les codes sociaux. Ne prenons donc pas le risque d’enfermer les jeunes enfants avec nos idées reçues !
Cela passera par une réflexion à porter sur nos pratiques professionnelles, pour mettre en conscience nos comportements ou encore notre manière de communiquer auprès des jeunes enfants.
Il sera également important d’aborder cette thématique auprès des familles pour expliquer tout le bien- fondé d’agir, dès la petite enfance, contre les stéréotypes de genre, et ainsi les accompagner, eux-aussi, à participer à cette démarche.
Les professionnels petite enfance ont donc un rôle clé à jouer auprès des jeunes enfants qui, ne l’oublions pas, sont des adultes en devenir, et participeront alors, à leur tour, à construire la société de demain, vers une dynamique plus égalitaire entre les hommes et les femmes.
Delphine DESGARCEAUX – EJE – Coordinatrice Pédagogique Pim Pam Pomme